1
Seigneur, éco
ute la justice ! †
Entends ma plainte, accu
eille ma prière :
mes lèvres ne m
entent pas.
2
De ta face, me viendr
a la sentence :
tes yeux verr
ont où est le droit.
3
Tu sondes mon cœur, tu me vis
ites la nuit, †
tu m’éprouves, sans ri
en trouver ;
mes pensées n’ont pas franch
i mes lèvres.
4
Pour me conduire sel
on ta parole,
j’ai gardé le chem
in prescrit ;
5
j’ai tenu mes p
as sur tes traces :
jamais mon pi
ed n’a trébuché.
6
Je t’appelle, toi, le Die
u qui répond :
écoute-moi, ent
ends ce que je dis.
7
Montre les merv
eilles de ta grâce, *
toi qui libères de l’agresseur
ceux qui se réfug
ient sous ta droite.
8
Garde-moi comme la prun
elle de l’œil ;
à l’ombre de tes
ailes, cache-moi,
9
loin des méch
ants qui m’ont ruiné,
des ennemis mort
els qui m’entourent.
10
Ils s’enferment d
ans leur suffisance ;
l’arrogance à la bo
uche, ils parlent.
11
Ils sont sur mes pas : mainten
ant ils me cernent,
l’œil sur moi, pour me jet
er à terre,
12
comme des lions pr
êts au carnage,
de jeunes fauves tap
is en embuscade.
13
Lève-toi, Seigneur, affronte-l
es, renverse-les ;
par ton épée, libère-m
oi des méchants.
14
Que ta main, Seigneur, les excl
ue d’entre les hommes, *
hors de l’humanité, hors de ce monde :
tel soit le s
ort de leur vie !
Réserve-leur de qu
oi les rassasier : †
que leurs fils en s
oient saturés,
qu’il en reste enc
ore pour leurs enfants !
15
Et moi, par ta justice, je verr
ai ta face :
au réveil, je me rassasier
ai de ton visage.
Commentaire
Dieu est Dieu!
Versets 1-6: Rencontre
Il faut bien comprendre ce qui est en train de se passer!
Meurtri, laminé, Job a vu ses certitudes bien construites voler en éclats (verset 5a). Et voilà que Dieu lui offre la plus haute manifestation de sa grâce: un face à face. Job rejoint les grands témoins bibliques. Loin d’être rejeté ou condamné, il est au bénéfice d’une communion à nulle autre pareille avec Dieu. Ses yeux l’ont vu.
Attention: le verset 6 ne parle ni de culpabilité morale, ni d’angoisse existentielle… mais du sentiment de finitude et de petitesse de l’être humain, poussière de l’univers, face à l’immensité de Dieu dans toute sa force créatrice. Dieu est bien ce «tout Autre» qui déborde et dépasse toute tentative d’enfermement.
Alors, analyser Dieu et ses projets? Le sommer de rendre des comptes? Remettre sa bonté en question? Expliquer définitivement la présence du mal? Maintenant, avec et devant Dieu, tout cela apparaît à Job absurde et délirant, insensé et blasphématoire (versets 3 et 6).
Et Job, porté par la présence de Dieu, d’articuler des mots de confiance: la puissance divine n’est pas un leurre. C’est bien Dieu qui détient et donne le sens ultime des choses, des êtres et des événements (verset 2).
Cet espace de reconnaissance et de confiance, un autre viendra l’habiter de sa présence et de son Dieu d’amour: Jésus-Christ.
Versets 7-9: Oser la lucidité
A l’origine, ces trois versets suivaient certainement le chapitre 2. Job, le juste et le pieux, reprenait son rôle de sacrificateur pour faire pardonner la folie des paroles de ses amis.
Mais le rédacteur du livre de Job tel que nous le connaissons, a profondément réorienté le récit, et le sens de notre passage. C’est bien après 35 chapitres de débats que Dieu donne donc raison à Job… contre ses amis. Il n’est décidément pas ce distributeur automatique de récompenses et de punitions, pas plus qu’il n’utiliserait le malheur et la souffrance à titre pédagogique.
Job, lui, a effectivement osé parler avec droiture, avec rigueur, en vérité: il a poussé jusqu’au bout la logique de l’image d’un Dieu «donnant-donnant» pour en montrer l’illusion. Et il l’a fait en restant parfaitement conscient qu’il ne «mérite» pas son sort tragique… ce que Dieu ne lui contestera jamais.
Et il l’a fait en extériorisant l’abîme de sa souffrance. Il a refusé d’arranger la réalité. Il en est même venu à défier ce Dieu finissant par lui apparaître irresponsable, sadique… et indigne de la confiance des humains.
Mais le Seigneur ne se dérobe pas. Il se donne lui-même en réponse, dans sa «toute-présence». Et Job, qui a si longuement combattu une image tordue de Dieu, entrevoit son véritable visage. Et c’est ainsi au verset 9 que pourrait (devrait) s’achever le livre de Job!
Verset 10 (et suivants): Happy end
Changement de décor. On passe de la tragédie à un véritable happy end.
Job devient une sorte de super-patriarche. Son rétablissement est même double. L’injustice est réparée. Satan a perdu. Tout rentre dans l’ordre.
Mais où est donc passé cet extraordinaire cheminement de souffrance, de révolte, de questions? Et cette rencontre avec Dieu?
Nos images de Dieu, souvent aussi tenaces qu’approximatives, aiment faire de la résistance! Et même le rédacteur-poète de ce livre cède devant la force traditionnelle de l’image d’un dieu rétributeur et comptable…
Alors, c’est vrai, nous pouvons remercier le Seigneur pour les innombrables bénédictions de la vie. Un peu à la manière du vieux Job, rassasié de jours. Mais à l’heure du malheur, des coups du sort et des questions sans réponse, Job sait bien que le dieu de la juste rétribution ne tient plus la route. Il nous invite à le suivre sur le chemin d’une lucidité courageuse, loin des explications à bon marché, seraient-elles apparemment fort spirituelles!
Et au bout du compte, c’est à la rencontre de Dieu qui se donne, que Job nous convie.
Au-delà de tout calcul et de toute logique!