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Est-il un homme qui craigne le Seigneur ?13
Son âme habitera le bonheur,14
Le secret du Seigneur est pour ceux qui le craignent ;15
J’ai les yeux tournés vers le Seigneur :16
Regarde, et prends pitié de moi,17
L’angoisse grandit dans mon cœur :18
Vois ma misère et ma peine,19
Vois mes ennemis si nombreux,20
Garde mon âme, délivre-moi ;21
Droiture et perfection veillent sur moi,22
Libère Israël, ô mon Dieu,
Commentaire
Dieu qui me voit
"Dieu te voit". Une inscription effrayante, ou à tout le moins inconfortable, que certains se souviennent avoir lue dans leur enfance. Une sorte d'épouvantail en somme.
"Dieu qui me voit", c'est aussi une confession de foi qui dit que Dieu n'est pas indifférent à mon sort, à ma peine (voir Hagar en Genèse 16,13 ou Abraham en 22,14).
Job, pour l'instant, est du côté de l'épouvantail, il se sent guetté, surveillé, il aimerait que Dieu cesse de le voir, que Dieu regarde ailleurs.
Comprendre Dieu comme celui qui guette nos moindres gestes, nos moindres écarts, c'est se sentir face à un Dieu pesant, presque malveillant. Job est dans un tel état de souffrance, psychique et physique, qu'il voudrait juste que ça s'arrête. Il n'en est plus à dire : "Je reçois le malheur comme j'ai reçu le bonheur" (Job 1,21). Il est exaspéré, et en même temps désespéré, aux portes de la mort. Et même là, il arrive à ironiser: après avoir carrément engueulé Dieu de ne cesser de le surveiller, il lui annonce qu'un de ces jours, il n'y aura plus rien à regarder! On retrouve les Psaumes qui disent à Dieu : "de la tombe, je ne pourrai plus chanter tes louanges, alors tu as tout avantage à me sortir de là!"
Job exprime sa colère, de toute ses forces. Colère contre Dieu, colère contre ce qu'il ressent de Dieu, contre ce qu'il voit de Dieu. Une fois la colère sortie, dite, posée, le chemin sera de rejoindre Hagar et d'autres, et de retrouver la sérénité de confesser: si Dieu me voit, c'est pour ma vie, pas pour ma mort. Dieu n'est pas l'épouvantail, il est celui qui pose sur les siens un regard de Père.