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Et moi, humilié, meurtri,31
Et je louerai le nom de Dieu par un cantique,32
Cela plaît au Seigneur plus qu’un taureau,33
Les pauvres l’ont vu, ils sont en fête :34
Car le Seigneur écoute les humbles,35
Que le ciel et la terre le célèbrent,36
Car Dieu viendra sauver Sion37
patrimoine pour les descendants de ses serviteurs,
Commentaire
Silence et naissance d’un chant
« L’homme de douleurs » se tait.
Un silence presque insoutenable : le Serviteur ne se justifie pas, n’accuse pas ses bourreaux, mettant ainsi, peut-être, un terme au jeu de la violence, du mal : « pas de fraude dans sa bouche », dit le texte.
Ce silence ne ressemble pas seulement à l’impuissance : ne finira-t-il pas par couvrir la voix des rois, des puissants dont il est dit qu’ils seront à leur tour « bouche close » (52,15) ? Il y a dans ce spectacle sans parole une invitation à une contemplation douloureuse et, peut-être, un espace pour faire naître des mots nouveaux. Esaïe annonce que le Serviteur rejeté sera exalté. Il raconte encore un autre retournement: des hommes et des femmes sont arrachés à l’indifférence et au mépris.
Une communauté (« nous ») se découvre mystérieusement reliée au malade dont elle se détournait, au persécuté qu’elle méprisait, à celui qu’elle tenait pour responsable de son malheur ; elle perçoit alors dans cette souffrance le reflet de sa propre injustice et, étrangement, l’horizon de son salut. Dans le silence du Serviteur souffrant, comme dans le silence de Jésus, si vulnérable dans la crèche, si pitoyable sur la croix, mais si ferme devant ceux qui l’arrêtent, l’interrogent et le brutalisent s’élève le chant d’une communauté qui, même sans comprendre vraiment, a reconnu la justice du Serviteur.
Une justice différente de celle des hommes, promesse d’une humanité réconciliée avec elle-même, capable d’accepter sa fragilité, capable de fraternité.