1
D’âge en
âge, Seigneur,
tu as ét
é notre refuge.
2
Avant que n
aissent les montagnes, †
que tu enfantes la t
erre et le monde, *
de toujours à toujours,
t
oi, tu es Dieu.
3
Tu fais retourner l’h
omme à la poussière ;
tu as dit : « Retourn
ez, fils d’Adam ! »
4
À tes yeux, mille
ans sont comme hier,
c’est un jour qui s’en va, une he
ure dans la nuit.
5
Tu les as balay
és : ce n’est qu’un songe ;
dès le matin, c’est une h
erbe changeante :
6
elle fleurit le mat
in, elle change ;
le soir, elle est fan
ée, desséchée.
7
Nous voici anéant
is par ta colère ;
ta fure
ur nous épouvante :
8
tu étales nos fa
utes devant toi,
nos secrets à la lumi
ère de ta face.
9
Sous tes fureurs tous nos jo
urs s’enfuient,
nos années s’évanou
issent dans un souffle.
10
Le nombre de nos ann
ées ? soixante-dix,
quatre-vingts pour les pl
us vigoureux !
Leur plus grand nombre n’est que p
eine et misère ;
elles s’enfuient, no
us nous envolons.
~
11
Qui comprendra la f
orce de ta colère ?
Qui peut t’ador
er dans tes fureurs ?
12
Apprends-nous la vraie mes
ure de nos jours :
que nos cœurs pén
ètrent la sagesse.
13
Reviens, Seigne
ur, pourquoi tarder ?
Ravise-toi par ég
ard pour tes serviteurs.
14
Rassasie-nous de ton amo
ur au matin,
que nous passions nos jours
dans la j
oie et les chants.
15
Rends-nous en joies tes jo
urs de châtiment
et les années où nous connaissi
ons le malheur.
16
Fais connaître ton œ
uvre à tes serviteurs
et ta splende
ur à leurs fils.
17
Que vienne sur nous
la douceur du Seigne
ur notre Dieu !
Consolide pour nous l’ouvrage de nos mains ;
oui, consolide l’ouvr
age de nos mains.
Commentaire
Une dernière carte à jouer pour Israël
Moïse est un prophète. L’Eternel lui annonce donc que le peuple se pervertira. C’est toute l’histoire du livre des Juges, de Samuel et des Rois, celle des défaites et de l’Exil qui, en quelques mots, va repasser sous les yeux de Moïse. L’Eternel «cachera sa face» selon le vieil hébraïsme, c'est-à-dire disgraciera son peuple. Pourquoi? Parce que la Palestine est décrite comme un pays trop beau – en comparaison, surtout, des sécheresses des zones désertiques naguère traversées. Le peuple s’y est «engraissé» – au sens péjoratif spirituellement de ce mot. Mais l’Eternel le fera rentrer en grâce.
C’est une autre main qui intervient dans la rédaction des versets 24 et suivants, qui fait rapporter à Moïse les dispositions qu’il prend pour la conservation du livre de la Loi.
Ainsi commence, à l’audition de ce discours, le déploiement d’une dernière chance pour le salut d’Israël. Pour en souligner le caractère solennel, Moïse dit que, non observée, la Loi, qui devait garantir une alliance harmonieuse avec Dieu, va (finalement!) se retourner contre le peuple. Ainsi: «Que ce cantique puisse me servir de témoin contre eux» (19 et 21), de même que le livre de la Loi «placé à côté du coffre de l’Alliance» (25 et 26).
C’est dans ce sens que Jésus dit aux chefs et docteurs d’Israël: «Ne pensez pas que ce soit moi qui vous accuserai devant le Père: votre accusateur, c’est Moïse en qui vous avez mis vos espoirs.» (Jn 5,45) – il était en effet considéré comme le protecteur et le médiateur des Israélites devant Dieu.
Il ne faut pas voir, dans ce passage, l’expression d’un sombre pessimisme prophétique mais un constat lucide sur l’histoire des refus d’Israël. Il y a pourtant encore une dernière chance: son expression culminera à la Croix.